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Suite aux nombreuses vidéos et témoignages diffusés sur les réseaux sociaux montrant des interventions musclées des agents de sécurité du 1988 Live Club à Rennes dans la nuit du 8 au 9 mars 2025, ainsi que mon article complet à ce sujet, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) m'indique aujourd'hui :
"À la suite de la publication sur les réseaux sociaux et les médias d'éléments semblant montrer des actions d'agents privés de sécurité dans la nuit du 8 au 9 mars à Rennes, un contrôle administratif du CNAPS sera réalisé sur le service interne de sécurité de l'établissement de nuit Ouest Discothèque 1988 Live Club pour s'assurer du respect des règles du code de sécurité intérieure par les agents et leurs dirigeants"
L'objectif est clair : vérifier la conformité du service interne de sécurité de la discothèque aux règles du Code de la sécurité intérieure (CSI).
Un contrôle administratif aux enjeux lourds
Le CNAPS, autorité chargée de réguler le secteur de la sécurité privée en France, va certainement examiner en détail :
- Les autorisations et agréments des agents impliqués, notamment la carte professionnelle obligatoire indiquant le droit de porter des armes de catégorie D comme les sprays lacrymogènes utilisés sur les vidéos
- Le respect des tenues réglementaires, en conformité avec l'arrêté du 18 juillet 2023, qui impose des uniformes spécifiques et des éléments d'identification clairs.
- La formation des agents quant à l'usage proportionné de la force et des armes, comme l'exige l'article R613-3-7 du CSI.
- Les conditions d'intervention sur la voie publique, qui nécessitent une autorisation préfectorale spécifique selon l'article L613-1 du CSI.
Les conclusions de ce contrôle pourraient déboucher sur des sanctions administratives sévères, allant du rappel à l'ordre au retrait des autorisations d'exercer pour les agents et le service interne de sécurité du 1988 Live Club.
Le CNAPS pas compétent pour les infractions pénales
Toutefois, le CNAPS m'a précisé qu'il n'est pas compétent pour instruire les faits susceptibles de constituer des infractions pénales. Cette compétence revient exclusivement aux services de police et à la justice. Les vidéos montrant des agents confisquer des téléphones pour effacer des preuves ou procéder à des violences physiques devront donc faire l'objet d'une enquête judiciaire indépendante.
L'usage disproportionné des sprays lacrymogènes et les immobilisations violentes pourraient relever des articles 222-11 et 226-1 du Code pénal, réprimant respectivement les violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) et les atteintes à la vie privée.
Ce que risquent le 1988 Live Club et ses agents de sécurité : des sanctions lourdes en perspective
Au vu des éléments accablants diffusés sur les réseaux sociaux et des manquements présumés aux règles du Code de la sécurité intérieure (CSI), aussi bien le 1988 Live Club (personne morale) que ses agents de sécurité internes (personne physique) risquent de faire face à des sanctions disciplinaires et financières sévères. L'article L634-9 du CSI prévoit des mesures proportionnées à la gravité des faits reprochés.
Pour le 1988 Live Club : jusqu'à 150 000 euros d'amende et une interdiction d'exercice de 7 ans
Le CNAPS pourrait imposer au 1988 Live Club des sanctions disciplinaires lourdes, telles que :
- Une interdiction temporaire d'exercice de l'activité du service interne de sécurité privée pour une durée maximale de 7 ans, conformément à l'article L634-9 du CSI. Cette mesure contraindrait la discothèque à :
- Dissoudre son service interne de sécurité et à recourir exclusivement à des sociétés extérieures agréées par le CNAPS.
- Suspendre les autorisations d'exercer de ses dirigeants et responsables de sécurité.
- Une sanction pécuniaire pouvant atteindre 150 000 euros pour des infractions graves, incluant :
- Usage disproportionné de la force et interventions illégales des agents.
- Confiscation de téléphones et tentatives d'effacement de vidéos en violation des libertés fondamentales.
- Absence d'autorisation préfectorale pour intervenir en dehors de la discothèque, notamment sur la voie publique et dans le bâtiment désaffecté.
Ces sanctions pourraient lourdement impacter la situation financière du 1988 Live Club, mettant en péril sa pérennité.
Pour les agents de sécurité : des amendes et l'interdiction d'exercer
Les agents de sécurité internes du 1988 Live Club ne sont pas à l'abri et risquent également des sanctions individuelles sévères :
- Interdiction d'exercer jusqu'à 7 ans :
- Le CNAPS pourrait retirer ou suspendre leur carte professionnelle et leur interdire d'exercer pendant une durée maximale de 7 ans.
- Cette sanction s'appliquerait particulièrement aux agents ayant :
- Fait usage de sprays lacrymogènes ou de violence de manière disproportionnée.
- Confisqué de force des téléphones pour effacer des vidéos compromettantes.
- Des sanctions pécuniaires allant jusqu'à 7 500 euros par agent :
- L'article L634-9 du CSI prévoit des pénalités financières pouvant atteindre 7 500 euros par personne physique salariée, en fonction de la gravité des manquements constatés.
- Cette sanction pourraient s’ajouter à d'éventuelles condamnations pénales, si les éléments transmis par le CNAPS au parquet déclenchaient des poursuites.
Précédents de sanctions dans le secteur des discothèques
Le CNAPS a déjà sanctionné des discothèques pour des irrégularités liées à leurs services internes de sécurité. Par exemple, des établissements ont été condamnés à une interdiction temporaire d'exercer leurs activités de sécurité privée pendant une durée de 12 mois voire 24 mois ! assortie de pénalités financières significatives. Ces sanctions ont été prononcées pour des infractions telles que l'emploi d'agents sans carte professionnelle ou encore le non-respect des obligations déclaratives.
Un avenir incertain pour le 1988 Live Club
Le 1988 Live Club traverse une période critique. Alors que l'établissement s'apprête à fêter ses 10 ans, il fait face à une double menace : d'une part, les sanctions administratives et financières que pourrait prononcer le CNAPS suite aux manquements présumés de son service interne de sécurité, et d'autre part, un risque d'expropriation dans le cadre du projet d'aménagement Eurorennes. La Métropole de Rennes souhaite en effet réaménager le quartier dans le cadre du projet Eurorennes, visant à transformer cette zone en un vaste espace urbain avec des logements, des bureaux et des commerces. Le tribunal administratif ayant donné raison à la préfecture en février 2025, l'établissement pourrait perdre son emplacement stratégique, accélérant ainsi sa fermeture.
Le contrôle administratif du CNAPS sera déterminant. Les sanctions cumulées — amendes pouvant atteindre 150 000 euros, interdictions d'exercer jusqu'à 7 ans pour l'établissement ( et une sanction pour ses agents, personnellement, d'un pénalité financière pouvant atteindre 7 500 euros, suspension ou retrait de leurs cartes pro et poursuites pénales potentielles) — risquent de compromettre sérieusement l'avenir de cette discothèque. La décision du CNAPS pourrait également servir de précédent juridique pour d'autres établissements utilisant des services internes de sécurité.