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Des nationalistes corses reconvertis dans le gardiennage : la SMS, Société méditerranéenne de sécurité

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Des nationalistes reconvertis dans le gardiennage, des marchés publics frauduleux, des flics pas clairs et un point commun : la SMS. Avec les récents règlements de comptes entachés de troublantes similitudes, l’affaire de la Société méditerranéenne de sécurité refait surface à Ajaccio.

Par MICHEL HENRY, OLIVIER BERTRAND

 Trois meurtres à Ajaccio depuis cet été : la série de règlements de comptes qui vient de secouer l’île ramène sur le devant de la scène l’obscure affaire de la SMS, Société méditerranéenne de sécurité, objet d’une enquête judiciaire dès 2007. Retour en sept tableaux sur cette saga corse, avec ses flics au jeu trouble, ses compromissions politiques, ses milieux économiques à la dérive, et un Etat qui renonce.

1. Des nationalistes au contrôle des bagages

La SMS est créée en 2000 à Ajaccio par un nationaliste du Mouvement pour l’autodétermination, proche d’Alain Orsoni, l’ex-leader du MPA. Le patron de fait, c’est Antoine Nivaggioni, un homme influent que «tout le monde prenait pour le président d’Ajaccio», expliquera un de ses amis. Protégé par des policiers des Renseignements généraux, il a un train de vie élevé : 16 000 euros mensuels, plus des frais illimités. Son associé est Yves Manunta, un autre ancien nationaliste. Mais aucun d’eux n’apparaît dans les statuts : cela semblait «être un frein pour obtenir des autorités les agréments nécessaires», expliquera Nivaggioni. Sous sa férule, la SMS prospère rapidement, bénéficiant des marchés octroyés par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) d’Ajaccio, tenue par des proches.

Malgré son inexpérience, l’entreprise prend le relais de la PAF (police de l’air et des frontières) pour la sécurité à l’aéroport. Sur l’île, on ricane : des anciens du MPA, vitrine légale du FLNC-Canal habituel autodissoute en 1996, qui contrôlent les bagages ? «Ça a fait tousser», reconnaît la préfecture à l’époque. «Et alors ? rétorque Nivaggioni. Est-ce qu’on s’intéresse aux sociétés de sécurité qui emploient des anciens du RPR ? Si nous travaillons sur toute la Corse, c’est bien que nous avons l’agrément de la préfecture» (1). La SMS assurant même la sécurité d’un meeting à Bastia de… Jean-Pierre Chevènement. A ceux qui s’interrogent, une source policière rétorque en 2002 que, vu le montant du contrat sur la sécurité à l’aéroport (plus de 1 million d’euros), «ils n’ont pas intérêt à faire des bêtises». Ils en font, pourtant.

2. Un Etat démuni

La SMS multiplie les malversations financières en bénéficiant de favoritisme. Et l’Etat ne voit rien. Facile à comprendre : «Il y a un seul fonctionnaire de la DGCCRF [Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes] pour le contrôle des marchés de la Corse-du-Sud !» déplorera un policier. Et ce fonctionnaire est débordé : sur les 50 à 70 convocations qu’il reçoit chaque mois pour assister à des commissions d’appels d’offres, il ne peut en retenir que 15. Concernant la CCI d’Ajaccio, dont les marchés représentent 40% de l’activité de la SMS, il a pointé de nombreux dysfonctionnements : les commissions d’appels d’offres se résument à l’ouverture des enveloppes de candidatures et la CCI ne convoque jamais le fonctionnaire pour assister aux commissions d’attribution des marchés. Ses protestations ne servent à rien, sauf à attiser la colère du président de cette commission. Il refuse donc d’y siéger de 2003 à 2007. Le préfet en est averti, mais ne réagit pas. C’est ainsi que, dans l’aveuglement général, la SMS prospère.

Cependant en 2006, Tracfin, cellule antiblanchiment de Bercy, signale des mouvements de fonds suspects vers Nivaggioni. L’enquête débute. Des interpellations sont effectuées fin 2007. Prévenu, le nationaliste prend, selon sa formule, «un peu de recul».

 

La suite de l’article: http://www.liberation.fr/societe/2012/12/25/corse-association-de-meurtres_869934

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