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Table des matières

 

Par Pierre Moreau et Xavier Latour

source: USP

 

EXTRAIT: le voir en intégralité  ICI

 

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La création du CNAPS est incontestablement une innovation qui devrait changer les rapports entre la puissance publique et la sécurité privée. Toutefois, un long chemin demeure encore à parcourir. Il est surprenant que, près de trente ans après la loi du 12 juillet 1983, on en appelle encore et toujours à l’assainissement du secteur.  (…)


La sécurité privée n’a pas le droit à l’erreur. Elle doit prouver à l’État sa capacité de se mettre en ordre de marche pour relever les défis qui se présentent à elle [1]. L’État et la sécurité privée attendent beaucoup du CNAPS pour faire disparaître les « canards boiteux ».(…)

 

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Le CNAPS, un objet juridique non identifié


Alors que régulièrement des voix s’élevaient pour suggérer la création d’un ordre professionnel chargé d’assainir les professions réglementées de la sécurité privée, l’État a préféré opter pour la création d’une personne morale sui generis dont les modalités de fonctionnement sont hybrides.

 

 

Une personne juridique sui generis

 

(…)

Faute de faire entrer le CNAPS dans une catégorie bien identifiée, le législateur a opté pour une qualification de « personne morale de droit public », sans autre précision. Il est donc permis d’en déduire qu’une nouvelle catégorie de personne publique a été créée. Elle vient s’ajouter aux éléments inclassables, au même titre que la Banque de France [5] et l’Autorité des marchés financiers [6]. Le choix opéré est surtout révélateur de la grande ambiguïté de l’État sur le sujet. D’un côté, il est désireux de transférer la charge financière des contrôles aux entreprises ; d’un autre, il ne peut pas faire autrement que de les associer au fonctionnement de l’entité créée sans leur en laisser le contrôle.

 

 

Un fonctionnement hybride

La nature juridique sui generis du CNAPS explique sans doute largement un mode de fonctionnement hydride.
Tout est fait dans la loi pour que les payeurs ne soient pas les décideurs. Alors que rien n’est prévu dans la LOPPSI sur une contribution financière durable de l’État, les structures nationales et locales du CNAPS sont majoritairement composées de représentants de l’État (art. 33-3 et 33-5).

Le CNAPS est administré par un collège composé vraisemblablement des directeurs des principales administrations centrales concernées (Intérieur, Travail, Finances…), selon l’idée que la sécurité privée nécessite une gestion interministérielle en raison des risques de violation de législations multiples (travail non déclaré, emploi de clandestins…).

 

(…)

 

Le collège élit en son sein un président. L’arithmétique plaiderait en faveur de l’élection d’une personnalité issue de la puissance publique. Dans ce cas, un magistrat serait en adéquation avec les finalités du CNAPS. Toutefois, la désignation d’un membre issu des rangs de la sécurité privée ne serait pas aberrante puisqu’ils seront les bailleurs de fonds, à moins qu’une personnalité qualifiée soit privilégiée pour sa neutralité.

(…)

 

Toutefois, leur inquiétude demeure. La cotisation de fonctionnement dont ils ignorent aujourd’hui l’assiette et le taux sera-t-elle suffisante pour financer un organe de régulation dont l’activité déconcentrée suppose d’importants moyens matériels et humains ? La charge de cette contribution sera-t-elle définitivement supportée par les entreprises ou pourront-elles la répercuter sur le client bénéficiaire de leurs prestations ? Au delà de ces incertitudes, il paraît toutefois acquis que l’État ne participera pas, ou du moins de manière pérenne, au fonctionnement du CNAPS.

Le CNAPS, un rôle en devenir


Si la loi détermine les principaux éléments constitutifs des missions du CNAPS, leur exécution demeure soumise à un décret d’application et, surtout, à la pratique. Sans s’attarder sur la mission de conseil et d’assistance à la profession (traditionnelle dans un ordre), qui semble relever d’une modeste contrepartie visant à rassurer les entreprises, l’essentiel est ailleurs. Le CNAPS est, avant tout, investi d’une mission de contrôle et d’une mission disciplinaire.

 

La mission de contrôle

 

Empruntant à la fois aux ordres (pour le contrôle des individus) et aux autorités indépendantes (pour le contrôle des entreprises), le nouvel article 33-2 de la loi du 12 juillet 1983 confie au CNAPS une mission de police administrative en matière de délivrance des documents d’accès à la profession. Il s’agit d’un contrôle a priori. De plus, l’article 33-8 fixe le cadre d’un contrôle a posteriori des activités.

 

Les commissions régionales héritent des compétences jusqu’alors détenues par les préfectures de département. C’est à elles qu’il incombe désormais de délivrer les autorisations (accordées aux entreprises), les agréments (accordés aux dirigeants des personnes morales) et les cartes professionnelles (accordées aux agents). Cette étape est cruciale tant la profession souffre d’une image dégradée. Or, depuis quelques années, la puissance publique tente d’imposer des exigences de moralité et de professionnalisme. Si le principe est louable, le faire appliquer est une tâche difficile [8] et coûteuse pour l’État.

 

(…)

 

 

Sous un angle plus juridique, les débats parlementaires ont fait resurgir une question de fond sur les liens entre le CNAPS et les fichiers de police (notamment celui du système de traitement des infractions constatées – STIC-). En effet, la délivrance d’un agrément ou d’une carte nécessite de vérifier la moralité de l’individu et, par conséquent, son passé judiciaire. C’est d’ailleurs sur ce point que les préfectures étaient les plus critiquées en ayant des délais de réponse jugés trop longs dès que la personne était connue des services de police. En tout état de cause, la procédure relevait des autorités policières habilitées. La LOPPSI innove en ouvrant la possibilité aux agents du CNAPS de consulter les fichiers de police, à condition d’y avoir été habilités par le préfet de département. Des parlementaires ont critiqué cette évolution qui serait contraire à la Constitution. Toutefois, le Conseil constitutionnel, (décision du 18 mars 2003 relative à la loi de sécurité intérieure) a admis « qu’aucune norme constitutionnelle ne s’oppose par principe à l’utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d’activités de police judiciaire » dès lors que ces consultations sont assorties de garanties suffisantes au regard du respect des libertés individuelles.
Le préfet de département demeure, quant à lui, compétent en cas de nécessité tenant à l’ordre public.

 

 

Le CNAPS a également en charge les contrôles des entreprises (prestataires et services internes) comme des agents, sur le fondement du nouvel article 33-8 de la loi de 1983. La source d’inspiration paraît avoir été, en l’espèce, les contrôles opérés par la CNIL. Il a néanmoins fallu tenir compte des spécificités des activités exercées en autorisant des contrôles 24 heures sur 24, ce qui n’avait pas été prévu lors du dépôt de l’amendement.

La LOPPSI donne de précieuses indications sur le déroulement du contrôle, même si de nombreux aspects doivent encore être précisés. Sans originalité, la loi énonce trois types de contrôle : sur place, sur pièce ou sur convocation. Quelle que soit la forme du contrôle, le CNAPS peut demander communication de tous les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission, tout support confondu, et en prendre copie.

 

Le décret d’application devra apporter de nombreuses précisions. Parmi les plus importantes, il convient encore de prévoir qui pourra saisir le CNAPS afin de susciter un contrôle. À ce titre, une saisine la plus large possible (y compris par les particuliers et les entreprises concurrentes) serait souhaitable, à condition qu’elle soit motivée et justifiée.

 

De plus, la loi prévoit que les contrôles seront opérés par les agents du CNAPS, sans plus de précision. Pourtant, le CNAPS aura du personnel de différentes catégories. Doit-on considérer qu’ils seront interchangeables et que tout agent pourra se voir attribuer une mission de contrôle ? Une procédure d’habilitation s’impose afin de garantir la fiabilité des contrôleurs et prévenir d’éventuels conflits d’intérêt.

Enfin, la loi prévoit le recours à des experts, sans plus de précision. Or, ces experts doivent présenter un minimum de garanties. Leur situation juridique pendant l’expertise mérite donc d’être précisée et leur rémunération doit être envisagée.

 

La mission disciplinaire

Il s’agit d’une des innovations majeures du texte qui rejoint une préoccupation ancienne de la profession.
Aux termes de l’article 33-5 de la loi de 1983, dans chaque région, la commission régionale d’agrément et de contrôle est chargée, au nom du Conseil national des activités privées de sécurité, de prononcer les sanctions prévues à l’article 33-6.

Cette dernière disposition énumère les sanctions disciplinaires pouvant être infligées : l’avertissement, le blâme, l’interdiction d’exercice de l’activité privée à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. Le texte prévoit également l’instauration de pénalités financières.

(…)

 

D’une part, les sanctions disciplinaires sont applicables «  aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres I et II (de la loi de 1983) ».
 

 

Rationae personae, les entreprises de sécurité privée souhaitaient limiter le champ d’application des sanctions disciplinaires aux seules entreprises et à leurs dirigeants. Cette conception « ordinale » du CNAPS n’a pas été retenue par le législateur, marquant ainsi la nature administrative et étatique de l’organe de régulation.

 

D’autre part, et de manière classique, les sanctions disciplinaires sont graduées et le choix de la sanction sera fonction de la gravité des faits reprochés. Toutefois, si l’on se reporte à la typologie des sanctions applicables aux agents publics, l’échelle des sanctions paraît singulièrement courte. On passe sans transition de l’admonestation à l’interdiction, qui si elle est limitée à cinq ans maximum, est pourtant synonyme de mort professionnelle de l’agent ou de l’entreprise de sécurité privée.

La référence aux obligations déontologiques renvoie à l’élaboration d’un code de déontologie par le Conseil national des activités privées de sécurité (art. 33-2-2°), dont c’est la mission constituante.

 

Le contenu de ce code, approuvé par décret en Conseil d’État, sera sans doute inspiré de codes de déontologie régissant des professions voisines. On pense, par exemple, au code de déontologie de la police municipale lui-même directement calqué sur le code de déontologie policière. Néanmoins, dès lors qu’il ne s’applique pas aux seuls agents mais également aux entreprises de sécurité privée, il devra comporter un corps de règles se rapportant à la loyauté des pratiques commerciales et à la concurrence.

 


Quid de la composition du collège du CNAPS ?


 

Certains s’interrogeaient sur la place des services internes bien que celle-ci ne pose en réalité aucune difficulté, ces derniers étant visés par la loi.

 

En revanche, et dès lors que le choix était fait de demeurer dans le périmètre de la loi de 1983 [9], fallait-il intégrer les clients et les salariés ?

 

Concernant les clients, leur mise à l’écart est totalement justifiée. Il eut été inconcevable de mettre en cause l’impartialité d’un organe de contrôle et de sanction. Pas plus que les clients des professions réglementées ne participent aux ordres professionnels, ceux de la sécurité privée ne doivent participer au CNAPS. L’introduction de logiques commerciales aurait pu lui être rapidement fatale.

 

La question des salariés est plus délicate. En effet, ils sont explicitement concernés par le texte (délivrance de la carte professionnelle, soumission au code de déontologie). Cependant, le législateur a préféré considérer, à juste titre, qu’un organe de régulation n’est pas une structure de négociation paritaire. De ce fait, il a opté pour une participation dans un cadre plus souple puisque « toute proposition (du CNAPS) relative aux conditions de travail des agents de sécurité privée est préalablement soumise à la concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs ».

 

 


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