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Une photo circule sur LinkedIn. Elle montre des agents de sûreté équipés de casques et de boucliers. Certains s'interrogent. D'autres s'indignent. La confusion est immédiate : ces agents ressemblent à des forces de l'ordre. Pourtant, ce ne sont pas des CRS. Ce sont des agents du GPSR - le Groupe de Protection et de Sécurité des Réseaux de la RATP. Cette image soulève une question légitime : pourquoi des agents de sûreté des transports portent-ils un équipement qui évoque le maintien de l'ordre ?
Un statut à part dans notre secteur de la sécurité privée
Les agents du GPSR et de la SUGE (SNCF) ne sont pas des agents de sécurité privée au sens classique du terme. Ils relèvent du Code des transports (articles L2251-1 et suivants) et non du livre VI du Code de la sécurité intérieure.
Ces services internes de sécurité bénéficient de prérogatives renforcées. Ils sont assermentés et agréés par le procureur de la République. Ils portent des armes de catégories B et D. Ils peuvent procéder à des palpations de sécurité, des fouilles de bagages, des relevés d'identité. Depuis la loi du 28 avril 2025, leurs pouvoirs ont encore été étendus : droit de poursuite sur la voie publique, palpations sans autorisation préfectorale préalable, saisie d'objets dangereux.
Mais une chose reste claire : leur mission est la prévention et la protection. Pas le maintien de l'ordre.
Casque et bouclier : des équipements de protection, pas de confrontation

Aurélien S., formateur sécurité sûreté et ancien agent du GPSR pendant plus de 6 ans, a tenu à clarifier la situation dans son post LinkedIn. Ces équipements sont utilisés "uniquement dans des situations très spécifiques" :
- Extraction d'un conducteur de bus en difficulté
- Violences urbaines, agressions ou mises en danger graves
- Protection des agents et de la victime, sans escalade
L'objectif est simple : sécuriser, protéger et évacuer. Pas réprimer.
Le casque et le bouclier constituent des équipements de protection individuelle (EPI). Ils protègent l'agent qui intervient. Ils permettent de porter secours à un collègue agressé ou à un voyageur en danger. Ils ne sont pas des outils offensifs.
Un précédent dans notre secteur de la sécurité privée : le match FC Nantes-Le Havre
Cette question des équipements de protection n'est pas nouvelle dans notre secteur de la sécurité privée. En novembre 2024, lors du match FC Nantes contre Le Havre, une équipe mobile d'intervention privée entièrement équipée a été déployée pour prévenir les envahissements de terrain.
Les agents de sécurité étaient dotés d'un équipement complet : casques, boucliers, genouillères et autres EPI. Une première en France, inspirée du modèle suisse où cette pratique existe depuis plusieurs années.
Cette initiative avait suscité les mêmes débats que ceux que nous observons aujourd'hui avec le GPSR : la ressemblance avec les forces de l'ordre.
Le cadre légal : entre protection et confusion
Le Code de la sécurité intérieure encadre strictement l'apparence des agents de sécurité privée. Deux articles sont régulièrement invoqués dans ce débat.
L'article R631-12 du CSI impose aux acteurs de la sécurité privée d'éviter "par leur comportement et leur mode de communication toute confusion avec un service public, notamment un service de police". Ils doivent s'interdire "tout équipement susceptible de créer une telle confusion".
L'article R613-1 du CSI précise que les agents sont "revêtus d'une tenue qui ne doit pas prêter à confusion avec les uniformes définis par les textes réglementaires".
Ces dispositions s'appliquent aux agents de sécurité privée du livre VI du CSI. Pour le GPSR et la SUGE, c'est l'article L2251-3 du Code des transports qui s'applique : la tenue "ne doit entraîner aucune confusion avec celles des autres agents des services publics, notamment des services de police".
L'obligation de fournir des EPI adaptés
Face à ces exigences de distinction visuelle, l'employeur a une obligation légale qui ne peut être ignorée : fournir des équipements de protection adaptés aux risques.
L'article R631-17 du CSI impose aux entreprises et services internes de sécurité de s'assurer de "la mise à disposition de leurs agents des moyens matériels destinés à garantir leur sécurité et à accomplir leurs missions".
Le Code du travail renforce cette obligation. L'article R4311-8 définit les EPI comme des dispositifs destinés à protéger les travailleurs contre les risques menaçant leur santé ou leur sécurité. L'article L4121-2 impose à l'employeur de privilégier les mesures de protection collective, mais les EPI restent indispensables quand ces mesures ne suffisent pas.
Face aux violences urbaines, aux agressions sur les réseaux de transport ou dans les stades, le casque et le bouclier répondent à une nécessité de protection. L'absence de ces équipements exposerait les agents à des risques graves.
L'absence d'alternatives visuelles
Un constat s'impose : il n'existe pas à ce jour d'alternatives significatives en termes de couleurs ou de conception pour ces équipements qui se différencieraient clairement de ceux des forces de l'ordre. Cette similitude résulte des normes techniques et des exigences de protection optimales pour ces missions.
Les casques anti-émeute et les boucliers transparents répondent à des standards de protection. Leur conception est dictée par l'efficacité, pas par l'esthétique. Un casque rose fluo ne protégerait pas mieux. Mais il n'existe tout simplement pas sur le marché des équipements professionnels.
Ce que cela implique pour notre secteur de la sécurité privée
Dans un cadre événementiel particulier, avec des risques identifiés, des agents de sécurité privée peuvent être équipés de manière renforcée. Ce continuum de sécurité, où la collaboration entre forces de l'ordre et sécurité privée est optimisée, pourrait se développer.
À retenir
- Le GPSR et la SUGE sont des services internes de sécurité régis par le Code des transports, pas par le livre VI du CSI.
- Les casques et boucliers sont des équipements de protection individuelle utilisés pour extraire et protéger, pas pour maintenir l'ordre.
- L'employeur a une obligation légale de fournir des EPI adaptés aux risques (article R631-17 du CSI).
- Il n'existe pas d'alternative visuelle aux équipements de protection type "anti-émeute" sur le marché.
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