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Le CNAPS contrôle. Le CNAPS sanctionne. Mais quels sont les manquements les plus fréquents ? Pour répondre à cette question, nous avons analysé les décisions de la commission de discipline publiées entre 2022 et 2025. L'objectif : dresser un état des lieux précis des infractions qui exposent réellement les entreprises de notre secteur de la sécurité privée. Ce qui ressort de cette analyse éclaire les points de vigilance prioritaires pour les dirigeants, les agents et les donneurs d'ordre.
Méthodologie de l'analyse
Cette étude repose sur le corpus des décisions de la commission de discipline du CNAPS, complété par trois référentiels officiels d'extraits de jurisprudence disciplinaire publiés en juillet 2024 :
- Référentiel de contrôle "Travail illégal" - Annexe jurisprudence disciplinaire
- Référentiel de contrôle "Organismes de formation" - Annexe jurisprudence disciplinaire
- Référentiel de contrôle "Manifestations sportives, récréatives et culturelles" - Annexe jurisprudence disciplinaire
Pour chaque décision, nous avons identifié les manquements retenus par la commission. Une même décision peut cumuler plusieurs infractions.
Les décisions analysées couvrent la période 2022-2025. Elles concernent des entreprises de surveillance humaine, de gardiennage, d'événementiel et des organismes de formation. Les sanctions vont de l'avertissement à l'interdiction d'exercer, assorties de pénalités financières pouvant atteindre 150 000 euros.
Limites méthodologiques : les décisions publiées ne représentent pas l'intégralité des sanctions prononcées. Le CNAPS publie principalement les interdictions temporaires d'exercer et les sanctions pécuniaires significatives. Les avertissements et blâmes simples restent souvent confidentiels. Cette analyse reflète donc les cas les plus graves soumis à la commission de discipline.
1. Emploi d'agents sans carte professionnelle valide
C'est l'infraction reine. Elle apparaît dans la quasi-totalité des dossiers disciplinaires. L'article L.612-20 du Code de la sécurité intérieure est clair : aucun agent ne peut participer à une activité de sécurité privée sans carte professionnelle valide.
Les situations relevées sont variées. Cartes expirées non renouvelées. Agents en poste avec une simple autorisation préalable périmée. Salariés affectés à des missions avant réception de leur carte. Dans certains cas, des entreprises ont fait travailler des personnes n'ayant jamais détenu de carte professionnelle.
L'article L.617-7 prévoit deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende pour l'employeur. La commission de discipline prononce systématiquement des sanctions lourdes : interdiction temporaire d'exercer et pénalités financières cumulées.
2. Travail dissimulé et infractions au droit du travail
Le travail dissimulé constitue le deuxième motif de sanction. Les articles L.8221-1 et L.8221-5 du Code du travail définissent cette infraction : dissimulation d'emploi salarié, absence de déclaration préalable à l'embauche, bulletins de paie incomplets ou falsifiés.
Les contrôles conjoints CNAPS-URSSAF-Inspection du travail révèlent des schémas récurrents. Heures supplémentaires non déclarées. Salariés payés partiellement en espèces. Recours abusif à l'auto-entrepreneuriat pour des missions de surveillance. Dans un extrait du référentiel "Travail illégal", un entrepreneur individuel effectuait des prestations de sécurité privée depuis 2019 sans avoir jamais déclaré de salarié, alors que les factures démontraient la mise à disposition de plusieurs agents.
3. Défaut de déclaration des modifications
L'article R.612-10-1 du CSI impose de déclarer toute modification dans un délai d'un mois. Changement d'adresse du siège. Modification de la répartition du capital. Nomination d'un nouveau dirigeant. Ouverture ou fermeture d'un établissement secondaire.
Cette obligation est systématiquement vérifiée lors des contrôles. Le CNAPS croise les informations déclarées avec les données du registre du commerce. Les écarts sont fréquents. Certaines entreprises n'ont pas mis à jour leur dossier depuis plusieurs années.
L'article L.617-5 punit ce manquement d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. La commission de discipline retient quasi-systématiquement ce grief en complément d'autres infractions.
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4. Établissement secondaire sans autorisation
L'article L.612-9 du CSI est formel : chaque établissement secondaire doit disposer de sa propre autorisation d'exercice. Cette obligation est distincte de l'autorisation du siège.
Les contrôles révèlent des situations où des agences locales fonctionnent sans autorisation. Parfois depuis plusieurs années. Le dirigeant de l'établissement secondaire doit également détenir un agrément personnel, conformément à la loi du 25 mai 2021.
5. Non-respect du code de déontologie
Les articles R.631-1 à R.631-32 du CSI fixent les obligations déontologiques des acteurs de notre secteur de la sécurité privée. Loyauté. Probité. Respect de la dignité des personnes. Interdiction des conflits d'intérêts.
La commission retient ce grief dans des situations variées. Facturation de prestations non réalisées. Fourniture d'effectifs inférieurs aux engagements contractuels. Comportements inappropriés des agents sur site. Par exemple, le CNAPS sanctionne une entreprise ayant facturé 15 agents alors que 5 seulement étaient présents.
L'article R.631-22 impose spécifiquement de garantir la capacité à assurer la prestation. Sous-dimensionner volontairement un dispositif de sécurité constitue un manquement déontologique grave.
6. Absence du registre des contrôles internes
L'article R.631-16 du CSI impose la tenue d'un registre retraçant les contrôles internes effectués par l'entreprise. Ce document doit démontrer le suivi des sites, la vérification des prestations, le contrôle des agents.
Lors des contrôles, les agents du CNAPS demandent systématiquement ce registre. Son absence constitue un manquement caractérisé. Sa présentation vide ou manifestement fictive aggrave la situation.
Les référentiels de contrôle publiés en juillet 2024 détaillent les éléments attendus. Le registre doit être daté, signé, et refléter une activité de contrôle réelle. Un document préparé la veille du contrôle ne trompe personne.
7. Défaut de moyens matériels et cahiers de consignes
L'article R.631-17 du CSI impose de mettre à disposition des agents les moyens matériels nécessaires à l'exécution de leur mission. Équipements de protection. Moyens de communication. Cahiers de consignes et mains courantes sur site.
Leur absence sur un site surveillé interroge sur la réalité des prestations.
Dans plusieurs décisions, le CNAPS relève l'absence totale de documentation sur les sites contrôlés.
8. Sous-traitance irrégulière
L'article L.612-5-1 du CSI encadre strictement la sous-traitance. Deux rangs maximum. Information du donneur d'ordre. Vérification des autorisations du sous-traitant.
La décision Protectim Security Group (janvier 2025) illustre les dérives possibles. Le CNAPS a relevé un système structuré de sous-traitance en cascade, avec des entreprises intermédiaires ne disposant pas des autorisations requises. Sanction : 18 mois d'interdiction d'exercer et 20 000 euros d'amende.
L'article L.617-7 sanctionne également le fait de sous-traiter à une entreprise employant des agents sans carte professionnelle. La responsabilité du donneur d'ordre principal est engagée.
9. Absence des mentions obligatoires
L'article L.612-15 du CSI impose de reproduire le numéro d'autorisation CNAPS sur tous les documents : devis, contrats, factures, supports publicitaires. La mention "entreprise ne disposant pas de prérogatives de puissance publique" doit également figurer.
Ce manquement est souvent relevé en complément d'autres infractions. Il témoigne d'un défaut général de conformité administrative. L'amende prévue est de 3 750 euros par document non conforme.
10. Non-respect du principe d'exclusivité
L'article L.612-2 du CSI impose aux entreprises de sécurité privée d'exercer exclusivement les activités pour lesquelles elles sont autorisées. L'objet social doit être limité à ces activités.
Les contrôles révèlent des situations où des entreprises de sécurité exercent parallèlement des activités de nettoyage ou d'accueil sans autorisation spécifique. Cette confusion des genres constitue un manquement au principe d'exclusivité.
À retenir
- L'emploi d'agents sans carte professionnelle reste le premier motif de sanction. Il apparaît dans plus de trois quarts des décisions analysées.
- Le travail dissimulé et les infractions au droit du travail concernent plus de la moitié des dossiers. Les contrôles conjoints CNAPS-URSSAF sont redoutables.
- Les obligations déclaratives (modifications, établissements secondaires) sont systématiquement vérifiées. Leur non-respect aggrave toute procédure disciplinaire.
- Les documents de traçabilité (registre des contrôles internes, cahiers de consignes) constituent des preuves matérielles examinées à chaque contrôle.
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