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L’affaire secoue le secteur du retail et, plus largement, tous ceux qui jonglent au quotidien avec la vidéosurveillance. La CNIL vient de sanctionner la société SAMARITAINE SAS d’une amende de 100 000 €. Motif : des caméras dissimulées, camouflées en détecteurs de fumée, placées dans les réserves du magasin.
Décision tombée le 18 septembre 2025 (délibération SAN-2025-008), elle rappelle une ligne rouge : filmer ses salariés en cachette reste une pratique explosive, même quand les vols internes se multiplient.
Les faits : des “détecteurs” pas comme les autres
Août 2023 : face à une recrudescence de vols de marchandises, la direction de la Samaritaine installe de nouvelles caméras dans deux réserves. Pas de simples caméras : elles ressemblent à des détecteurs de fumée et enregistrent le son.
Découvertes par les salariés quelques semaines plus tard, elles sont retirées en septembre 2023. Mais le mal est fait. Un article de presse alerte en novembre 2023, une plainte suit, et la CNIL déclenche un contrôle.
Pourquoi la CNIL sanctionne
Trois manquements majeurs sont retenus :
- Loyauté et transparence bafouées : les caméras n’étaient pas visibles, aucune analyse RGPD préalable, aucune trace dans le registre des traitements. Le dispositif n’a jamais été déclaré comme temporaire ni validé par la DPO.
- Collecte excessive : les micros captaient les conversations personnelles des salariés. La CNIL estime que l’enregistrement sonore était disproportionné.
- Exclusion du DPO : la déléguée à la protection des données n’a été informée que plusieurs semaines après coup, alors qu’elle aurait dû jouer son rôle d’alerte en amont.
La formation restreinte de la CNIL rappelle que des caméras dissimulées peuvent, dans des cas exceptionnels, être autorisées. Mais à condition d’être proportionnées, temporaires, documentées, et surtout accompagnées de garanties. Ici, rien de tout cela.
Face à la pression opérationnelle (vols, pertes, fraude interne), certains dirigeants ou directeur sécurité choisissent la voie rapide, quitte à contourner les règles. Résultat : une sanction financière, mais surtout un signal public désastreux.
La Samaritaine, vitrine du luxe parisien, se retrouve associée à une image de surveillance clandestine. Pour un grand magasin, l’atteinte à la confiance des salariés et du public pèse bien plus que 100 000 €.
Le montant de 100 000 €, loin des plafonds théoriques (20 M€ ou 4 % du CA mondial), est jugé “proportionné mais dissuasif”. La décision sera publiée deux ans sur le site de la CNIL et sur Légifrance, avec anonymisation au-delà de ce délai.
Une procédure lourde et détaillée
Le rapport est confié à la commissaire Sophie Lambremon. Après un contrôle sur place, des auditions, des échanges écrits, l’instruction est close en juin 2025. Le 3 juillet, la formation restreinte se réunit sous la présidence de Philippe-Pierre Cabourdin.
La société tente de se défendre :
- les caméras n’étaient qu’un test,
- elles n’étaient pas connectées au PC sécurité,
- l’existence de micros n’aurait pas été connue,
- les réserves ne seraient pas un “lieu de travail habituel”.
Des arguments balayés par la CNIL, qui juge que les salariés ont bien été filmés et écoutés à leur insu, que les dispositifs étaient trompeurs, et qu’aucune traçabilité écrite ne prouvait le caractère temporaire.
Ce que doit retenir le secteur sécurité
Pour les professionnels de la sécurité privée, ce cas rappelle une évidence : la vidéosurveillance n’est pas un gadget qu’on bricole dans un coin. Chaque installation doit être :
- visible ou justifiée par des circonstances exceptionnelles,
- documentée et inscrite dans le registre des traitements,
- validée par la DPO (s'il existe),
- proportionnée (éviter les micros, sauf nécessité légale).
En clair : mieux vaut investir du temps dans la conformité que perdre argent et crédibilité dans une sanction publique.
À retenir
- Caméras cachées = manquement à la loyauté, sauf cas exceptionnels et documentés.
- L’enregistrement sonore des salariés est considéré comme excessif par la CNIL.
- La DPO doit impérativement être associée en amont lorsqu'il existe.
- La sanction n’est pas seulement financière : l’atteinte à l’image est durable.