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Il portait une arme qu'il n'avait pas le droit de détenir. Il a frappé. Le client a eu le poignet cassé. 40 jours d'ITT. Pourtant, le 27 novembre dernier, le tribunal de Laon a prononcé la relaxe selon L'Aisne Nouvelle. Cette affaire, survenue dans un bar de Chauny en octobre 2024, met en lumière les zones grises de notre secteur de la sécurité privée. Entre équipement fourni dans l'illégalité et légitime défense reconnue par la justice, le dossier interroge.
Une soirée qui bascule
Nous sommes le 25 octobre 2024. Au bar El Barrio, à Chauny, un agent de sécurité commence son service. Rapidement, il repère un visage connu. Un client interdit d'entrée, mais déjà installé depuis un moment. Le patron donne une consigne simple : ne pas le servir, garder un œil sur lui.
Le client commande. On refuse. Il s'énerve. Invective une serveuse. Se calme. Puis repart de plus belle.
L'agent intervient. Il sort une matraque télescopique. Premier coup à la cuisse. Deuxième coup en direction du visage. Le client lève le bras pour se protéger. Impact au poignet. Fracture.
En fuyant, l'homme lance un tabouret vers l'agent. Ce dernier dégaine une bombe lacrymogène. Rate sa cible. Le poursuit dehors.
Quelques semaines plus tard, les deux hommes se retrouvent devant la justice.
"Je savais que je n'avais pas le droit"
À la barre du tribunal, le 13 novembre, l'agent ne conteste pas l'évidence. "Je savais que je n'avais pas à porter ce genre d'équipement", reconnaît-il. La matraque télescopique lui avait été fournie par son employeur.
Le problème est là. En France, un agent de sécurité ne peut porter une matraque ou un aérosol lacrymogène qu'avec une autorisation préfectorale, une demande du client, et une formation spécifique inscrite sur sa carte professionnelle délivrée par le CNAPS. Ici, rien de tout cela. L'équipement était illégal. Point.
La partie civile s'interroge
L'avocat du client blessé pose les questions qui dérangent. "Pourquoi frapper à deux reprises ? Pourquoi viser le visage ? Pourquoi ne pas avoir gazé immédiatement ?"
L'agent répond par la défense classique : "Je n'ai pas voulu le blesser. Seulement me protéger."
Le parquet, lui, requiert cinq mois de prison avec sursis et deux ans d'interdiction de port d'armes.
La relaxe
Le 27 novembre, la présidente rend sa décision. Relaxe.
Le tribunal a estimé que l'agent avait agi en état de légitime défense, au sens de l'article 122-5 du Code pénal. La menace était réelle. La riposte, proportionnée selon les juges.
L'illégalité de l'arme n'a pas suffi à faire basculer le verdict.
Attention !
Ce jugement ne doit pas faire oublier les risques. Un autre magistrat, d'autres circonstances, et l'issue aurait pu être différente.
Pour les agents : porter un équipement non autorisé, c'est s'exposer à des poursuites. Même en cas de relaxe, le passage devant un tribunal laisse des traces. Sur le casier. Sur la carrière. Et surtout cela ne va pas empêcher une éventuelle sanction disciplinaire du CNAPS !
Pour les employeurs : fournir une matraque sans autorisation préfectorale constitue une faute. L'entreprise engage sa responsabilité pénale et civile. Elle place aussi ses salariés dans une situation juridique intenable, et risque lui aussi des sanctions disciplinaires du CNAPS.
Sur le terrain : la frontière entre défense légitime et excès reste fine. Deux coups de matraque, dont un vers le visage, posent question. La justice a tranché ici. Elle ne tranchera pas toujours dans le même sens.
À retenir
- Porter une matraque ou un lacrymo sans autorisation préfectorale est illégal, même si l'employeur le fournit.
- La légitime défense exige une riposte proportionnée et nécessaire face à une menace imminente.
- Une relaxe ne constitue pas un blanc-seing : chaque affaire est jugée selon ses propres circonstances.
- L'employeur qui équipe ses agents dans l'illégalité les expose autant qu'il s'expose lui-même.