Table des matières
Il y a parfois des dates qui parlent d’elles-mêmes. Le 13 novembre 2025, exactement dix ans après les attentats qui ont frappé la France, le Tribunal administratif de Marseille valide un refus d’autorisation préalable prononcé par le CNAPS.
Ce n’est pas un hasard du calendrier : c’est un rappel.
La sécurité privée n’est pas une filière ouverte à tous. Et elle ne peut pas l’être.
Une scène banale… mais à un moment où rien n’était vraiment banal
Les faits qui ont coûté au requérant son accès à la formation d'agent de sécurité, et qui remontent au 7 décembre 2015 dans un train à Lyon.
Vingt-quatre jours après les attaques du 13 novembre 2015.
La France est sous le choc, les forces de sécurité vivent en état d’alerte permanent, les trains sont surveillés, les voyageurs scrutent les comportements autour d’eux.
Ce jour-là, l’homme voyage en "tenue traditionnelle". Le jugement ne détaille pas davantage, mais il prend soin de rapporter ce point : l’intéressé lui-même l’a revendiqué. Dans le wagon, parmi les passagers, se trouve également un commissaire de police stagiaire.
Là, l’homme se met à parler. Pas de météo. Pas de politique.
Il évoque Daech, "à plusieurs reprises", et "la fin du monde".
Dans un train. Trois semaines après une vague d’attentats. Devant un policier.
Le CNAPS a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer qu'ils révélaient un comportement contraire à la probité et de nature à porter atteinte à la sécurité publique et étaient donc incompatibles avec l'exercice d'une activité privée de sécurité.
L’intéressé ne contestera pas les paroles. Un détail qui compte.
L'enquête administrative, ce filtre que certains voudraient oublier
Le jugement rappelle fermement ce que beaucoup préfèrent ignorer :
le CNAPS ne se limite pas à vérifier un casier judiciaire.
Il dispose d’un outil autrement plus fin : l’enquête administrative prévue par le Code de la sécurité intérieure.
Les juges citent précisément le 2° de l’article L612-20 du CSI :
l’autorisation est refusée si "le comportement ou les agissements" du candidat sont "de nature à porter atteinte à la sécurité publique".
Et ils ajoutent, pour éviter toute ambiguïté :
l’absence de condamnation pénale est indifférente.
Même des faits isolés, même anciens, peuvent suffire.
Ce n’est pas une interprétation. C’est le droit.
Et le tribunal rappelle que cette appréciation doit se faire "compte tenu de la nature et de la gravité des faits".
Une décision qui renvoie chacun à ses responsabilités
Dans ce dossier, le juge n’a pas hésité. Il valide la position du CNAPS :
le comportement décrit en 2015 est incompatible avec une activité de surveillance, même dix ans après.
Le passage clé du jugement est limpide :
"En dépit de leur caractère isolé et relativement ancien, compte tenu de leur nature et de leur gravité, le CNAPS a pu considérer qu’ils révélaient un comportement contraire à la probité et de nature à porter atteinte à la sécurité publique."
On ne peut pas être plus clair.
Dans un métier où l’on est placé en première ligne, parfois seul, parfois à l’entrée d’un site sensible, la fiabilité personnelle n’est pas négociable.
Un agent qui tient publiquement des propos liés à Daech trois semaines après les attentats n’est pas un agent de sécurité en devenir.
Le CNAPS le dit. Le tribunal le confirme.
Ce jugement rappelle qu’un filtrage exigeant n’est pas un blocage.
C’est une protection.
À retenir
- Décision rendue le 13 novembre 2025, date symbolique.
- Les propos incriminés ont été tenus le 7 décembre 2015, soit 24 jours après les attentats du 13 novembre.
- Le candidat, en "tenue traditionnelle", évoque "Daech" et "la fin du monde" dans un train.
- Le CNAPS peut refuser une autorisation même sans condamnation pénale.
- Le tribunal confirme que la gravité des faits prime sur leur ancienneté.
Source TA Marseille, 13 novembre 2025, n°2302323