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Conformément à l’article 7 du projet de loi sur la réforme ferroviaire, la SNCF pourra vendre “sa sécurité interne” à toutes les entreprises ferroviaires “privées” utilisant le réseau ferré.
Pire, cette possibilité de “revente” de sa sécurité interne est “avalisée” par un amendement ( amendement n°190 déposé le 13 juin 2014), qui souhaite juste que cette “vente de sécurité privée” (via la SuGe) se fasse “dans des conditions équitables et non discriminatoires à l’égard de l’ensemble des entreprises ferroviaires”:
Il est donc prévu de créer un nouvel article L2251-1-1 du code des transports, “ouvrant” cette possibilité à la SNCF, de devenir en quelque sorte une entreprise prestataire de sécurité privée !
Art. L. 2251-1-1 – Le service interne de sécurité de la SNCF peut réaliser cette mission au profit de SNCF Réseau, de SNCF Mobilités et de l’ensemble des autres entreprises ferroviaires utilisatrices du réseau ferré national ainsi que de leurs personnels, à leur demande et dans un cadre formalisé.
Cette mission s’exerce dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport ferroviaire de personnes et de marchandises et dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectées.
On est d’accord, la SNCF a le droit d’avoir un service INTERNE de sécurité, prévue par l’Article L615-1 du CSI et par les Articles L2251-1 et suivants du code des transports.
Mais c’est quoi un service interne de sécurité ?
Selon le site du CNAPS:
Toutes les sociétés commerciales ou leurs établissements peuvent charger, pour leur propre compte, certains de leurs salariés de missions privées de sécurité.
Conformément à l’article L2251-1, la SNCF (…) est autorisée à disposer d’un service interne de sécurité… uniquement pour son propre compte, et donc la “revente” de sa sécurité interne viendrait simplement à “vendre” de la sécurité privée … tout comme une entreprise de sécurité “lambda”.
La SuGe ne serait plus un “service interne” à la SNCF, puisque “revendu” à des entreprises privées (les autres entreprises ferroviaires concurrentes) !
La SNCF n’est pas soumise au CSI livre VI ! donc elle fait ce qu’elle veut !
Vous allez me dire que la SNCF est un “service public administratif”, et que donc conformément à l’article L 611-1, le CSI livre VI ne lui est pas applicable .. Et que par voie de conséquence n’es pas soumise à l’obligation d’exclusivité d’activité en “sécurité privée” pour vendre de la “sécurité”…
L611-1 du CSI :
“Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu’elles ne sont pas exercées par un service public administratif(…)”
Mais la SNCF n’est pas un “établissement de service public administratif” ! C’est un EPIC – Etablissement Public Industriel et Commercial . Le CSI livre VI peut lui être opposable … en dehors du statut “particulier” de son service interne de sécurité “la SuGe”.
Si son “service interne”. n’es plus “interne”, elle sort donc du champ des articles L2251-1 et suivants du code des transports .. et donc du régime “spécial” de la sécurité interne de la SNCF.
Synthèse et bilan du (futur) problème juridique
1er problème: Vente de prestation de sécurité à des tiers
Si la SNCF peut “revendre” sa sécurité interne, alors, elle assure de la fourniture de prestations de services dans les domaines de la sécurité privée, à titre professionnel, et régit par l’article L611-1 du CSI livre VI.
Gros problème de légalité si le texte passe en l’état comme cela ….
Car il faudrait que la SNCF “abandonne” son activité de transport … pour se consacrer uniquement à la “vente de prestation de sécurité privée” (obligation d’exclusivité de mission Article L612-2 )
2ème problème: Concurrence déloyale
En effet, si la SNCF peut “vendre” des prestations de sécurité privée à des entreprises tierces – avec de nombreuses prérogatives que les entreprises de sécurité n’ont pas (assermentation, armes, voie publique,etc ..), cela serait donc une “concurrence déloyale” … mais aussi totalement illégale !
Ensuite la SNCF est en grosse partie financée par l’Etat … donc “subventionnéz” par nos impôts ! Cela deviendrait une entreprise de sécurité privée “subventionnée” …. impensable.
3ème problème: un service interne … qui ne serait plus “interne” !
Les prérogatives (supérieures à celles de la sécurité privée “classique”) de la SUGE sont issues du principal fait que c’est un service de sécurité INTERNE à la SNCF. Mais quid si ce service est vendu à d’autres sociétés privées ? Cela ne pourra plus être considéré comme un service interne ! …. Et donc il faudrait considérer la SNCF comme un “prestataire de sécurité” comme n’importe quelle autre société de sécurité privée.
BILAN
SOLUTION
1: Soit l’Etat laisse la possibilité aux futurs concurrents de la SNCF, la création d’un service interne de sécurité avec des droits identiques à ceux de la SUGE …(difficilement applicable)
2: Soit l’Etat laisse la possibilité aux entreprises de sécurité privée de pouvoir assurer la sécurité de ses transports, mais avec les mêmes prérogatives que la SUGE (assermentation, armes) et uniquement dans le cadre des transports (comme cela se passe dans de nombreux pays européens).
3: Soit on interdit à la SNCF de vendre des prestations de sécurité à des tiers !