Le document unique d’évaluation des risques (DUER) est obligatoire dans toutes les entreprises dès l’embauche du premier salarié. Le DUER doit lister les risques professionnels encourus par les travailleurs et les actions de prévention et de protection qui en découlent.
L’évaluation des risques professionnels relève de la responsabilité de l’employeur, et s’inscrit dans le cadre de son obligation générale d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés.
Le DUER doit comporter un inventaire des risques identifiés dans l’entreprise.
La démarche d’évaluation est une démarche structurée selon les étapes suivantes :
- Préparer l’évaluation des risques
- Identifier les risques
- Classer les risques
- Proposer des actions de prévention
CAS PRATIQUE : une agression d’un acteur de la sécurité privée
Le 7 octobre 2011, M. [D] a été victime vers 1 heure 45, alors qu’il était en déplacement pendant ses heures de travail, sur des postes de garde, et regagnait son véhicule en stationnement, d’une agression de la part de plusieurs individus qui l’ont aspergé de bombe lacrymogène au visage, frappé sur tout le corps
Le certificat médical initial établi le jour même par le Dr [T], du service des urgences de la clinique, mentionne:
« agression brûlure visage + oculaire par gaz lacrymogène. Pendant agression: pratique d’une fellation forcée par agresseurs qui le maintenaient par étranglement pendant que d’autres prenaient des photos avec leurs portables. Contusions diffuses multiples. État de choc psychologique important ». Le médecin prescrit un arrêt de travail de trente jours, qui sera ensuite prolongé.
Faute de l’employeur ?
La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Ses demandes tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur, et de voir fixer la majoration de la rente à son maximum, et avant une expertise médicale, de condamner la société Deigen France Sécurity Service, à lui payer une indemnité provisionnelle de 5.000 euros ;
Pas de DUER = pas de faute inexcusable de l’employeur pour cette agression ?
La société Deigen France n’avais pas de document unique d’évaluation des risques professionnels ;
L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, est tenu d’évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs dans l’aménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail, et ce, pour pouvoir efficacement mettre en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ;
L’établissement d’un DUER par la société Deigen France aurait permis d’identifier, d’analyser et de prévenir les risques, patents dans une entreprise de gardiennage, et notamment liés au travail solitaire et nocturne, risques auxquels était nécessairement exposé M. [D] lors de ses tournées d’inspection et particulièrement après le 3 octobre 2011, date de la lettre de menace ;
La société Deigen France, qui n’a pas établi de « document unique d’évaluation des risques professionnels », a commis un « manquement » à ses obligations concernant l’évaluation des risques professionnels,
L’absence d’un tel document avait nécessairement contribué à la survenance de l’agression (articles L. 4121-1, L. 4121-3 du code du travail, L. 452-1 du code de la sécurité sociale ), et donc de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur,
De plus M. [D] avait invoqué l’absence de tout dispositif d’alarme pour travailleur isolé notamment prévu par la convention collective pour les missions de nuit ou isolées ;
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 juillet 2021, 19-25.550
Quelles conséquences pour l’employeur reconnu en “faute inexcusable” ?
Lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, la victime obtient, outre les prestations auxquelles elle avait déjà droit en application du Code de la Sécurité Sociale, une indemnisation complémentaire, composée d’une majoration de rente (ou de capital), et de dommages et intérêts.
Dans le cadre d’une procédure civile, le salarié peut rechercher la responsabilité civile de l’employeur en tant que personne morale. Le salarié cherchera à obtenir devant le pôle Social du tribunal judiciaire la réparation de préjudices non indemnisés. Elle est sous forme d’une majoration de rente et d’une indemnisation de préjudices complémentaires (reconnaissance de la faute inexcusable).
L’entreprise sera redevable de toutes les sommes ainsi versées.
Sur le plan pénal, la responsabilité de l’employeur peut être engagée en cas d’infraction au Code du travail et/ou au Code pénal. Le chef d’entreprise en tant que personne physique est responsable au premier plan (ou toute autre personne ayant reçu une délégation de pouvoir). Si la responsabilité pénale est engagée, l’employeur peut être condamné à titre personnel (amende maximum de 75 000 € et 5 ans d’emprisonnement).
Mickaël MINGEAU
Professionnel et expert en droit appliqué à la sécurité privée, avec plus de 20 ans d'expérience dans ce secteur. Consultant, Formateur et enseignant. Titulaire d'une licence professionnelle, SSIAP 3.
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