Table des matières
Ancien patron du renseignement de la DGSE, Alain Juillet pilote aujourd’hui le Club des directeurs de sécurité d’entreprises. Il estime que les grandes sociétés sont bien préparées au risque terroriste et que la prise de conscience est réelle dans les PME. Pour lui, le fait d’armer les agents de sécurité privés ne doit plus être tabou.
- «Il faut doter certains agents de sécurité d’armes à feu»
Directeur du renseignement à la DGSE de 2002 à 2003, puis haut responsable à l’intelligence économique, Alain Juillet préside aujourd’hui le Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE). Dans une interview à Libération, il estime que le fait d’armer certains agents de sécurité «redonnera confiance» au public des salles de concert.
Les grands groupes et les entreprises sensibles n’ont pas attendu les attentats du 13 novembre pour prendre en compte ce risque. Certes, les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher en janvier 2015 ont été un déclencheur. Même si les dirigeants avaient déjà pris des mesures importantes de protection, ils ont choisi de les renforcer, car ils ont compris qu’après les journalistes ou les transports, ce serait leur tour. Chez les opérateurs d’importance vitale (1) et sur les sites Seveso, ont été mises en place des procédures de contrôle et de sécurité spécifiques très lourdes, qui prévoient aussi la présence de forces de police à proximité.Aujourd’hui, il n’y a pas grand-chose de plus à ajouter à ces dispositifs qui sont, dans le cadre des limites imposées par la loi, au maximum de sécurité possible. Même s’il peut toujours y avoir des failles.
La nouveauté, c’est la prise de conscience des PME. Jusque-là, beaucoup ne se sentaient pas concernées. Mais depuis une semaine, les sociétés de sécurité privées voient affluer des demandes de leur part. En fait, tout le monde est menacé, d’autant que des agressions peuvent aussi être commises par des hommes seuls, comme l’attentat contre le site d’Air Products dans l’Isère en juin 2015 l’a montré.
Il faut faire très attention à ne pas alimenter les fantasmes. Mais il est indiscutable que les effectifs de la police, de l’armée et de la gendarmerie ne sont pas suffisants pour protéger l’ensemble des entreprises. Il faut donc envisager que des polices municipales et des sociétés de sécurité privées – extrêmement contrôlées par l’Etat – obtiennent l’autorisation de doter certains de leurs agents d’armes à feu, dans des conditions précises, après des formations spécifiques. Regardez les transporteurs de fonds. Ils sont armés et peuvent ouvrir le feu s’ils sont attaqués – or ils le sont plus souvent que les policiers ou les gendarmes, parfois à la kalachnikov ou même au bazooka. Eh bien, en dix ans, il n’y a jamais eu d’accident, grâce à une réglementation très stricte. Si on ouvre cette possibilité à quelques autres pour mieux assurer la sécurité du pays, je ne vois pas où est le problème.
Je pense que si le public voit des agents de sécurité armés à l’entrée d’une salle de concert, ça lui inspirera confiance. Nous ne sommes qu’au début de la vague d’attentats, cette situation va durer et je pense qu’elle va accroître l’exigence de sécurité des Français qui seront prêts, en contrepartie, à abandonner une partie de leur liberté.
Il est vrai que cette profession a longtemps souffert d’une mauvaise image du fait d’un certain nombre de brebis galeuses dans ses rangs. Mais depuis la création du CNAPS [Conseil national des activités de sécurité privée, ndlr] il y a trois ans, on a mis en place des contrôles et infligé de nombreuses sanctions, ce qui a radicalement amélioré la situation. C’est important, car ce secteur va, de toute évidence, fortement monter en puissance en 2016. L’expérience montre que ce sont dans ces périodes de crise que les entreprises se décident à investir davantage dans la sécurité.
Bien sûr qu’il faut surveiller les personnes mais en France, il y a, fort heureusement, des lois qui interdisent de faire des enquêtes sur n’importe qui ou de succomber au délit de faciès, lors du recrutement. En revanche, il est nécessaire d’observer les salariés au travail et de repérer des comportements atypiques. Un salafiste qui refuse de serrer la main des femmes n’est pas forcément jihadiste mais si, en outre, il se livre à des déclarations agressives, il faut le signaler aux services de police concernés. Les entreprises n’ont pas à jouer le rôle des policiers.
“Il faut doter certains agents de sécurité d’armes à feu”
Ancien patron du renseignement de la DGSE, Alain Juillet pilote aujourd’hui le Club des directeurs de sécurité d’entreprises. Il estime que les grandes sociétés sont bien préparées au risque …