Texte de la question
M. Gérald Darmanin attire l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur la sécurité du dispositif de protection des centrales nucléaires de production d’électricité (CPNE).
Il semblerait que l’alerte et les protections passives des installations puissent encore faire l’objet d’évolutions et que l’alerte donnée par les services de sécurité d’EDF demeure approximative voire tardive.
Pour rappel, en juillet 2013, 29 militants Greenpeace ont réussi à pénétrer dans une centrale du Tricastin dans la Drôme, une zone sécurisée, et le site nucléaire le plus puissant du monde. C’est notamment grâce à la réactivité des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG) que ces militants n’ont pas réussi à atteindre le réacteur.
Par ailleurs, en janvier 2012, un protocole a été signé par le ministre de l’Intérieur, en présence du Directeur général de la gendarmerie nationale et du PDG d’EDF, afin de renforcer la sécurité des centrales nucléaires. Celui-ci prévoit d’augmenter les effectifs des PSPG, leur dotation en pistolets à impulsions électriques ainsi qu’une articulation avec les autres unités de gendarmerie départementale.
Or, ces mesures représentent des contraintes non négligeables pour les gendarmes qui doivent faire acte de présence permanente auprès des centrales nucléaires. C’est pourquoi il souhaiterait connaître les éventuelles mesures envisagées par le Gouvernement afin d’améliorer les dispositifs de défenses passives et les moyens de surveillance relatifs à la sécurité des centrales nucléaires de production d’électricité.
Texte de la réponse
La sécurité des centrales nucléaires est une prérogation de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, en application du code de la défense (article R. 1333-3) qui lui confie la responsabilité de la protection et du contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport (PCMNIT).
L’objectif consiste à protéger ces matières et installations contre tout acte malveillant, en particulier de garantir leur intégrité et leur protection contre le vol ou le détournement. Selon les termes du code de la défense, les activités mettant en oeuvre des matières nucléaires sont soumises à une autorisation de la ministre, celle-ci étant conditionnée par la satisfaction des dispositions règlementaires de protection qui servent de référence au contrôle exercé par les services du haut fonctionnaire de défense et de sécurité (articles L. 1333-1 et suivants du code de la défense).
La règlementation impose aux exploitants nucléaires de protéger les matières et les installations contre les menaces définies dans les directives nationales de sécurité (articles L. 1332-1 et suivants et articles L. 1333-1 et suivants du code de la défense).
Des mesures de protection physique sont requises pour détecter d’éventuels intrus, les localiser sur le site, les retarder et les empêcher de commettre des actes de malveillance. Ces moyens physiques sont complétés par des moyens humains qui permettent d’assurer le gardiennage des installations, leur surveillance mais, également, d’apporter une première réponse aux éventuelles intrusions.
Conformément à ses obligations règlementaires et en complément des dispositions matérielles, EDF a déployé des moyens humains pour protéger les centrales nucléaires. Ces moyens regroupent outre le personnel EDF chargé des questions de sécurité, les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG), des prestataires extérieurs pour l’accueil et les activités de gardiennage.
Entités dédiées à la protection des centrales nucléaires, les PSPG travaillent pour le compte d’EDF en tant que prestataires. Leur financement est assuré par une convention signée entre la direction générale de la gendarmerie nationale et EDF. En cas d’intrusion dans une centrale nucléaire, les PSPG apportent la réponse de l’opérateur EDF à la menace. En cas de dégradation de la situation, l’action de l’État vient se coordonner avec le dispositif mis en place par EDF grâce à l’intervention du groupement de gendarmerie départementale, de la région de gendarmerie ou des moyens nationaux, sous la responsabilité de l’autorité préfectorale, application du plan de protection externe de l’installation.
Concernant les mesures envisagées pour améliorer les dispositifs de défense passive et les moyens de surveillance relatifs à la sécurité des centrales nucléaires de production d’électricité, la réglementation relative à la sécurité des installations nucléaires a été entièrement renouvelée suite à la parution du décret n° 2009-1120 du 17 septembre 2009 relatif à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport (PCMNIT).
Le dernier des onze arrêtés d’application de ce décret, celui du 9 septembre 2011 relatif aux conditions d’agrément des moyens de transport des matières nucléaires des catégories I et II, intégrant les nouvelles menaces, a été publié en octobre 2011. Le dispositif initial de défense des centrales nucléaires contre les actions malveillantes a été construit sur la base de l’ancienne règlementation (1980-1981) qui privilégiait la lutte contre le vol ou le détournement de matières nucléaires.
Les nouvelles orientations renforcent les exigences relatives à la protection contre les actes de sabotage. Leur mise en oeuvre nécessite des études complexes et devrait conduire à la modification d’infrastructures et à l’aménagement des procédures d’intervention. La sécurité de chaque installation du parc nucléaire français est donc examinée par l’autorité de sécurité sur la base des études actuellement conduites par les opérateurs nucléaires, dont les premiers éléments remis fournissent déjà certaines modifications à apporter pour satisfaire pleinement aux obligations règlementaires. La sécurité des centrales nucléaires a d’ores et déjà été améliorée, notamment sous la pression du contrôle, par inspections des services du haut fonctionnaire défense et sécurité.
À titre d’exemple, les capacités de vidéosurveillance ont été étendues, des moyens de détection d’intrusion ont été améliorés et les capacités d’intervention ont été renforcées avec le déploiement des PSPG, engagé en mars 2007, ce déploiement est désormais achevé sur l’ensemble du parc. L’opérateur EDF poursuit les efforts entrepris pour démontrer sa capacité à traiter l’ensemble des menaces à prendre en compte, cette démonstration étant l’objet des études à conduire d’ici l’été 2016. Attachée à répondre au mieux aux enjeux de sécurité, le ministère de l’écologie travaille à renforcer le cadre juridique dans lequel s’inscrit la protection des établissements nucléaires.
Sur proposition du MEDDE, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a été chargé de conduire un groupe de travail sur les moyens de renforcer le cadre juridique de protection des installations nucléaires. Les objectifs proposés par le MEDDE étaient de définir les outils permettant de détecter plus précocement une intrusion dans une installation et de retarder davantage la progression des intrus. Parallèlement, il s’agissait de renforcer la dissuasion à la commission d’un acte malveillant afin de mieux distinguer une menace de type « opposants » d’une menace de type « terroriste », qui ne peuvent pas induire le même type de réponse.
Le groupe de travail interministériel, SGDSN, MEDDE, ministères de la justice, de la défense et de l’intérieur, a retenu plusieurs mesures devant contribuer à un renforcement de la protection des installations de l’extérieur vers l’intérieur :
– règlementer la circulation et le stationnement des véhicules dans un périmètre entourant les installations autorisées à accueillir des matières nucléaires au titre de l’article L.1333-2 du code de la défense. Cette mesure est reprise par l’article 17 de l’ordonnance n° 2014-792 du 10 juillet 2014 portant application de l’article 55 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ;
– créer un délit spécifique d’intrusion dans des zones dites « zones nucléaires à accès règlementé » situées dans les installations abritant des matières nucléaires et définies par le ministre chargé de l’énergie. Ces dispositions prévoient des sanctions pénales plus sévères que celles actuellement applicables, application actuelle du statut des « zones protégées », en cas d’intrusion dans une zone nucléaire à accès réglementé. La mise en oeuvre de ces dispositions est conditionnée par l’identification d’un vecteur législatif adapté ;
– optimiser la recherche et la remontée du renseignement autour des installations nucléaires dans les « aires spéciales de surveillance » (ASS) définies par l’instruction générale interministérielle IGI 6 600 du 7 janvier 2014 comme étant des zones délimitées autour des installations nucléaires civiles les plus sensibles et dans lesquelles s’exerce, en permanence, une recherche coordonnée du renseignement au profit du service désigné par le préfet chargé localement de la sécurité de l’installation. Cette action doit être organisée conjointement entre le MEDDE, le ministère de la défense et celui de l’intérieur.
Enfin, le MEDDE réfléchit à l’introduction d’un dispositif de sanctions graduées en cas de manquement des opérateurs à leurs obligations en matière de sécurité des installations nucléaires, similaire à celui projeté en matière de sûreté. En effet, la seule sanction actuellement possible est le retrait de l’autorisation de détention ou d’utilisation de matières nucléaires délivrée par le MEDDE mais elle est inadaptée aux écarts couramment rencontrés.