Contrôler n’est pas prévenir. Or depuis que les directions sont en mesure de réaliser des tests salivaires de drogues sans avoir recours au médecin du travail, certaines reposent entièrement leur politique de sensibilisation sur cet outil… En brandissant la menace de la sanction, allant de l’avertissement au licenciement.
Une jurisprudence renforcée par la décision du Conseil d’État du 5 décembre 2016. La plus haute juridiction administrative assortit simplement cette possibilité pour les patrons d’encadrer le procédé par le règlement intérieur en prévoyant des garanties pour le salarié notamment en matière de secret professionnel sur les résultats et de contre-expertise médicale à la charge de l’employeur, le cas échéant.
Des tests sans contexte
Une méthode qui peut mener vers la généralisation des dépistages sans analyse des origines de l’addiction, -qui peuvent aussi être liées au rythme trop intensif ou à l’organisation inadaptée du travail-. Et cela peut conduire “à la transformation continue des produits utilisés, non détectables, et non pas à leur suppression ou a minima à leur diminution”, estime Gladys Lutz, ergonome conseil spécialisée dans l’analyse des usages de substances psychoactives en milieu professionnel. Avec toujours un temps d’avance entre les drogues et les moyens de les détecter.
“Comme dans le sport professionnel, on se dope au travail pour s’adapter à des critères toujours plus exigeants de sélection, à une performance et à un travail sans limite. Il s’agirait de renouveler la prévention du côté de l’analyse organisationnelle afin de ne plus appliquer des solutions individualisantes qui n’en sont pas”, préconise Gladys Lutz, une des auteurs de Se doper pour travailler.
Une analyse rusée de la situation réelle
Dans cet ouvrage, Gilles Amado, professeur de management et ressources humaines à HEC, fait le parallèle entre le dopage des sportifs et celui des travailleurs, d’autant plus que “l’usage des anabolisants ou de la cocaïne semble de plus en plus fréquent pour tenir le coup dans la manutention et autres travaux très physiques, avec une culture du corps qui se développe comme dans le bodybuilding”, assure-t-il.
Dans les faits, certaines entreprises et médecins du travail manient les tests en réalisant une analyse particulière de la situation réelle, en ne se fiant pas seulement aux résultats des tests. “Ils maintiennent cachés des résultats positifs s’ils estiment qu’en tenir compte s’opposerait à l’intérêt de la conduite du travail”, analyse Gladys Lutz, présidente de l’association Addictologie et travail Additra. Et mettent en place, en parallèle, un suivi du salarié, voire même une analyse de ses conditions de travail, qui pourraient jouer dans son habitude de prendre des produits.