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Sécurité des entreprises... Quand la sécurité publique forme la sécurité privée

Table des matières

Une convention entre l’École nationale supérieure de la police (ENSP) et le Club des directeurs de la sécurité dans les entreprises (CDSE) a récemment été signée par Hélène Martini, directrice de l’ENSP, et Alain Juillet, président du CDSE. Elle propose aux directeurs de sécurité d’entreprises une formation fournie par les services de police.

 

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Hélène Martini, directrice de l’ENSP

 


CIVIQUE : Pourquoi ce partenariat entre l’ENSP et le CDSE ?
Hélène Martini :
L’ENSP s’est en permanence inscrite dans des actions partenariales, comme avec la SUGE (NDLR : Sûreté générale de la SNCF) ou La Poste, et a traditionnellement entretenu des échanges avec les services de sécurité des grandes entreprises nationales. Nous sommes allés plus loin, avec ce partenariat, en nous impliquant dans la formation des futurs directeurs de sécurité d’entreprises. Notre mission première est de former des commissaires de police et, sur le terrain, la sécurité privée prend une importance croissante dans leur périmètre.

Il nous fallait donc absolument chercher des complémentarités, les mettre en place concrètement pour pouvoir travailler plus efficacement ensemble. En quelque sorte, nous voulions rendre plus compatibles les philosophies professionnelles et les exigences réciproques du privé et du public.

 

 

CIVIQUE : Que propose ce partenariat ?
Hélène Martini :
L’idée est de travailler ensemble le plus en amont possible de la situation de crise. Il faut une plus grande professionnalisation des entreprises de sécurité privée. Nous devons donc mieux nous connaître grâce à des formations permettant d’acquérir des réflexes et des procédures de travail en commun. Au lieu d’avoir deux mondes étanches, nous arriverons ainsi à deux mondes qui communiquent étroitement dans un souci d’une plus grande efficacité. Sur de nombreux sujets, le monde de la sécurité privée se retrouve avec la police et la gendarmerie :
manifestations dans une entreprise, dirigeants retenus par des personnels, affaires judiciaires au sein d’une entreprise…

 

 

CIVIQUE : Quel est le contenu de cette formation ?
Hélène Martini :
Pour 2012, trois stages seront proposés à des responsables de sécurité ou de sûreté. Ils s’articuleront autour de trois grandes thématiques. La première est de savoir quelle collaboration l’entreprise peut avoir avec les responsables de la sécurité publique, comment travailler les uns avec les autres. L’objectif est de rendre les choses plus claires. Deuxièmement, nous souhaitons insister sur les procédures d’investigation internes et externes au service de l’entreprise. Quand l’entreprise fait des investigations internes, elle doit clairement savoir à quel moment cela dépasse son cadre, à quel moment elle doit déposer plainte. Enfin, nous évoquerons les problèmes de menaces,  chantages, harcèlement ou encore injures au travail, thématiques qui concernent le public et le privé. Car, lorsque la police ou la gendarmerie réalise des enquêtes sur ce genre de problèmes, elle est susceptible de le faire directement au sein même de l’entreprise, auprès des personnels. Il faut donc clairement expliquer en quoi consiste une enquête dans une entreprise et l’intérêt de voir un service de police compétent pour gérer ce type de cas.

 

 

 

 

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Alain Juillet, président du CDSE

 


CIVIQUE : Pourquoi ce rapprochement avec l’ENSP ?
Alain Juillet :
Le directeur de sécurité exerce un métier qui a considérablement évolué ces dernières années.  Auparavant spécialiste du gardiennage ou de la sécurité des expatriés, il est confronté aujourd’hui à de nombreuses problématiques, comme l’espionnage industriel, la cybercriminalité, la défense du patrimoine physique, matériel et immatériel de sa société. Son profil est devenu celui d’un généraliste, avec une forte sensibilité à la sécurité, au renseignement et à la gestion de crise. Il doit être le sas entre l’entreprise et les pouvoirs publics en matière de sécurité, ce qui implique la détention d’une habilitation spécifique qui doit être clairement définie. Ce partenariat avec l’ENSP est une pierre essentielle dans la professionnalisation de ce métier pour lequel nous souhaitons mettre en place des  formations qualifiantes, comme cela se pratique déjà à un tout autre niveau pour les ARP (détectives) ou les convoyeurs de fonds, qui doivent parfaitement connaître leur cadre d’intervention.

 

 

CIVIQUE : Quelle sera la plus-value de cette formation pour les directeurs de sécurité ?
Alain Juillet :
En premier lieu, de profiter de l’expérience acquise par les services de police. Quand vous ne connaissez pas le domaine, vous fantasmez sur la réalité, sans avoir les réflexes, l’expérience et le langage adapté. Cette formation donnera aux directeurs de sécurité une compréhension approfondie de problèmes spécifiques, la possibilité de développer des relations étroites avec les pouvoirs publics, et donc de gagner en efficacité. Aujourd’hui, un tiers des directeurs de sécurité sont directement issus du monde de l’entreprise. Ce sont souvent des ingénieurs qui possèdent une véritable expertise mais n’ont pas une connaissance d’ensemble de la problématique. Cette formation permettra également aux directeurs de sécurité de prendre un poids supplémentaire dans leurs propres entreprises en devenant un référent incontournable, comme c’est déjà le cas aux États-Unis.

 

CIVIQUE : Comment définiriez-vous la sécurité, de votre point de vue ?
Alain Juillet :
Dans l’histoire de France, l’insécurité a toujours existé. Quoi qu’on en dise, Paris était certainement moins sûr au XVIIe siècle qu’aujourd’hui. Mais la grande nouveauté, apparue à côté de l’insécurité privée vécue par nos concitoyens dans la vie courante, est l’émergence de l’insécurité dans le monde des entreprises. C’est même devenu un problème majeur après la prise de conscience de son enjeu économique pour notre pays. Il y a aujourd’hui un besoin croissant de sécurité dans l’entreprise, mais nos structures et nos organisations sont mal adaptées à cette réalité. Tant que nous restions dans une simple démarche de défense du patrimoine matériel et physique, cela a fonctionné sans trop de difficultés. Mais, avec l’arrivée de l’insécurité physique des salariés et des dirigeants qui peuvent devenir otages ou victimes d’attaques sur leur image, avec l’obligation de défense de la propriété intellectuelle qui est la cible d’attaques en tous genres et avec le développement de la cybercriminalité, on accumule des problèmes complexes. Avec le temps, on découvre qu’au-delà de l’entreprise et de son fonctionnement ils rejaillissent sur l’ensemble de la société française. À terme, ils peuvent pénaliser notre compétitivité internationale. Il faut donc apprendre à y remédier.

 

 

Source : Magazine Civique mai-juin-juillet 2012

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