Une entreprise de transport protège mal la marchandise d'un client ? plus de 35 000€ à payer !!

La société P… a confié par contrat de transport à la société TRASER Groupe MULTI TRANSPORTS, une prestation de transport de marchandises (électroménager, TV, etc), 

Un vol a été commis dans la nuit du 5 ou 6 octobre 2016 par plusieurs individus qui ont pénétré à l’intérieur du site par le grillage souple enserrant le site, en le découpant en sa partie basse, malgré, notamment, un dispositif de vidéo-surveillance équipant l’intérieur et l’extérieur du site, lequel est éclairé en permanence la nuit, et malgré la ronde d’un agent de sécurité employé par la société ARTEMIS, cet agent ayant été coursé puis prise en otage par les cambrioleurs, dont l’un équipé d’un tournevis, jusqu’à ce que ces individus prennent la fuite après qu’un chauffeur ait donné l’alerte et ait été rejoint par un autre chauffeur.

Pour la société P (et surtout son assureur): c’est à Traser de payer !

 

Estimant que la responsabilité du commissionnaire de transport était engagée dès lors qu’il doit répondre tant de sa faute personnelle, dans l’exécution de sa mission, que des faits de ses sous-traitants, à qui il confie la marchandise, la société P… et son assureur AXA ont par acte d’huissier du 4 octobre 2017, assigné la société TRASER devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation à leur payer respectivement les sommes de 35 491,58 euros et de 46 euros.

 

La force majeure ! L’excuse pour ne pas payer pour le transporteur

La société TRASER invoque le bénéfice de la force majeure pour s’exonérer de sa responsabilité en arguant du fait qu’elle avait tout mis en œuvre pour éviter le vol de marchandises sur son site, et que les circonstances dans lesquelles le vol a été commis, en réunion et avec arme, après effraction d’une enceinte grillagée, constitue un événement irrésistible compte tenu de la détermination des malfaiteurs, dont témoigne la séquestration de l’agent de sécurité, événement par ailleurs extérieur du fait de l’introduction par effraction des quatre malfaiteurs sur le site, et du reste imprévisible au moment de la signature du contrat, au regard des circonstances exceptionnelles du vol en question (avec prise d’otage).

C’est un site clos, enserré de bois et également d’une route départementale, que l’entrée s’effectue par un portail coulissant métallique au niveau d’un rond-point de retournement où seuls l’accès et la sortie de la société TRASER sont matérialisés, qu’un portail d’entrée et un portail de sortie permettent les entrées et sorties des véhicules lourds de journée comme de nuit, que le portail est fermé à partir de 19 heures en semaine et s’ouvre au moyen d’un code, qu’un grillage souple doublé d’une rangée de concertina (fil barbelé implanté en partie supérieure) sécurise le site, qui est équipé de 19 caméras de vidéo-surveillance à l’intérieur et à l’extérieur du site, lequel, éclairé en permanence de nuit, dispose d’un gardiennage par la société ARTEMIS du lundi au jeudi de 21 heures à 6 heures et du vendredi 21 heures au lundi 6 heures en statique, avec des rondes effectuées par l’agent de sécurité en place toutes les 45 minutes.

Le site, entièrement clos et fermé la nuit, dont le grillage est doublé d’une rangée de concertina (qu’il définit comme étant un barbelé spécifique pour la protection des lieux sensibles, anti-intrusion, très coupant). L’agent de sécurité a fait son travail avec sérieux et courage, que la société TRASER a mis en place des mesures de sécurité très importantes pour garantir l’intégrité des biens, et que l’agent de sécurité a été surpris par l’action des voleurs qui, plutôt que de fuir, l’ont poursuivi pour le séquestrer avec l’aide d’une arme par destination et des violences, de sorte que “les éléments constitutifs de la force majeure semblent réunis“.

 

Ce n’est pas une force majeur pour la cour d’appel !

Pour la cour, au regard de la nature et de la valeur des biens entreposés, le vol, qu’il soit simple ou qualifié (en réunion, avec menace d’une arme etc.) était un événement prévisible lors de la conclusion du contrat.
 

Le rapport du BCIL (cabinet d’expertise de la société P et >AXA) met en exergue plusieurs éléments exclusifs de la force majeure, en ce qu’ils révèlent que le système de sécurité mis en place n’était pas adapté au risque de vol dès lors qu’il existait plusieurs failles dans la sécurisation de ce site, à savoir :
– l’absence de détection intrusion extérieure,
– l’absence de report vidéo au poste de garde,
absences qui n’ont pas permis d’informer notamment l’agent de sécurité de l’intrusion, détectée et signalée à la gendarmerie uniquement par un chauffeur présent sur site, l’agent de surveillance ayant été neutralisé,
– ainsi que la présence de concertina uniquement en partie haute du grillage, ayant permis aux auteurs de pénétrer dans l’enceinte du site après avoir procédé à une découpe du grillage,
– le chargement des véhicules, bâchés, la veille.

Or, ces mêmes failles s’étaient révélées à l’occasion d’un précédent vol commis quelques mois auparavant, selon un mode opératoire identique, le 8 mai 2016.

Ce même rapport d’expertise BCIL relève ceci : “Il est indéniable que l’agent de sécurité a été surpris et n’a pas pu résister à ses agresseurs. Il est en revanche à signaler que cette séquestration a été postérieure à l’intrusion sur site, rendue possible par la faible résistance mécanique de la clôture, assortie de l’absence de moyens de détection d’intrusion et de visualisation”. Il n’est d’ailleurs pas contesté que les violences commises sur l’agent de sécurité ont eu lieu après que les malfaiteurs ont pénétré sur le site de la société TRASER. Il s’en déduit que, si le vol a été commis, c’est avant toute chose parce que les voleurs ont pu pénétrer sur le site en découpant le grillage, sans déclencher d’alarme et se faire repérer, de sorte que lorsque l’agent de sécurité a par la suite découvert l’intrusion, il était déjà trop tard pour empêcher la commission de l’infraction, ne serait ce qu’en avertissant à temps la gendarmerie.

BILAN

 

Il s’en déduit que les circonstances en elles-mêmes du vol, telles que revendiquées par la société TRASER, ne constituent pas un événement imprévisible.

Il s’en déduit que le vol ne présente pas un caractère irrésistible, en ce que les malfaiteurs n’auraient pas pu pénétrer par le grillage sur le site, s’il avait été mieux sécurisé comme la société TRASER l’avait elle-même envisagé à la suite d’un vol commis dans des circonstances similaires, quelques mois plus tôt.
 

source: Cour d’appel de Paris, 3 novembre 2020, 18/277047

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