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Dans un arrêt du 26 mai 1999 (98-84015), la Cour de cassation a statué sur une affaire de séquestration par un particulier. Cette décision offre une occasion de réfléchir sur les limites légales de l’intervention d’un particulier en cas de suspicion de délit, et sur la définition même de la séquestration en droit français.
Résumé de l’affaire
Dans cette affaire, une adolescente de 14 ans, Jessica C., a été retenue dans un magasin après avoir payé un achat avec un billet de 200 francs qui avait paru suspect à la caissière. L’agent de sécurité du magasin, agissant sous les instructions de Bernard Z., le directeur du service de surveillance, a retenu la jeune fille dans un local pendant 20 minutes jusqu’à l’arrivée de la police. Durant cette rétention, elle a été invitée à vider le contenu de son sac et a été interrogée sur l’origine du billet.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné Bernard Z. pour complicité d’arrestation et de séquestration arbitraires. Ce dernier a formé un pourvoi en cassation, arguant que sa conduite était justifiée par les dispositions de l’article 73 du Code de procédure pénale, qui autorise toute personne à appréhender l’auteur d’un crime ou délit flagrant et à le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Bernard Z., confirmant ainsi sa condamnation. Pour la Cour, l’article 73 du Code de procédure pénale ne justifie pas la détention de la jeune fille. En effet, pour que cette disposition soit applicable, il faut que des “indices apparents” d’un comportement délictueux existent. Or, en l’espèce, l’authenticité douteuse du billet ne constituait pas un indice apparent suffisant pour justifier une telle mesure.
En outre, la Cour a souligné que la complicité par instructions suppose la volonté de voir l’infraction se commettre. En donnant des instructions qui ne laissaient pas à leurs destinataires une marge d’appréciation dans la conduite à adopter à l’égard des détenteurs de billets en apparence falsifiés, Bernard Z. a manifesté cette volonté et s’est donc rendu complice d’une arrestation et d’une séquestration illégales.
L’importance de la décision
Cet arrêt met en évidence que la séquestration est considérée comme telle dès les premières minutes. Il souligne également les limites de l’article 73 du Code de procédure pénale. En effet, pour pouvoir se prévaloir de cette disposition, il faut non seulement que le délit soit flagrant, mais aussi que l’auteur du délit présente des indices apparents d’un comportement délictueux.
A défaut, une arrestation ou une séquestration peut être considérée comme illégale, même si elle est de courte durée.